Fiche n°34 : Nouvel allégement, mandatement

 

Le paragraphe VI de l’article 19 de la loi du 19 janvier 2000 permet aux organisations syndicales de mandater un salarié en vue de la conclusion d’un accord satisfaisant aux conditions posées aux paragraphes III et IV du même article et ouvrant droit au bénéfice de l’allégement des cotisations sociales prévu à l’article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale.

La circulaire du 24 juin 1998 concernant la mise en œuvre du mandatement organisée par la loi du 13 juin 1998 reste valable pour les entreprises de moins de 20 salariés concluant un accord ouvrant droit au bénéfice de l’aide incitative prévue par l’article 3 de la première loi. L’allongement de la durée de la protection du salarié mandaté de six à douze mois à compter de la signature de l’accord ou, à défaut, de la fin des négociations, constitue la seule modification apportée par la seconde loi à ce dispositif ( article 23-3° de la loi du 19 janvier 2000 ).

 

I. Le champ du mandatement

Le dispositif de mandatement prévu par la loi du 19 janvier 2000, ne vaut qu’en l’absence de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical. La présence d’une section syndicale et de délégués syndicaux dans l’entreprise fait obstacle au mandatement d’un salarié par une organisation syndicale et, à fortiori, la négociation d’un accord avec lui.

1.1. Objet du mandatement

Le mandatement organisé par la loi du 19 janvier 2000 a pour objet la négociation et la signature d’un accord de réduction du temps de travail prévu aux paragraphes III et IV de l’article 19 remplissant les conditions d’accès à l’allégement des cotisations sociales prévu à l’article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, la loi prévoit expressément que le mandat précise les conditions dans lesquelles le salarié mandaté participe, le cas échéant, au suivi de l’accord. L’objet du mandat vise donc également les modalités d’exercice de ce suivi, et la durée de celui-ci, laquelle ne peut dépasser la limite de douze mois.

L’objet de l’accord négocié et signé par le salarié mandaté doit porter sur la réduction du temps de travail dans le cadre de l’allégement de cotisations sociales. Mais compte tenu de leur imbrication étroite avec la démarche de réduction, cet accord peut porter sur l’ensemble des thèmes de la négociation sur le temps de travail dans l’entreprise, notamment les aspects relatifs à son aménagement, à l’organisation du travail et aux conditions de travail, dès lors que l’accord remplit les conditions prévues à l’article 19 de la loi.

A la lumière de l’application de la loi du 13 juin 1998, il y a lieu d’apporter une précision supplémentaire sur la possibilité pour un salarié mandaté par la CFE-CGC de conclure un accord portant sur l’ensemble des salariés de l’entreprise ou de l’établissement.

Les organisations syndicales habilitées à mandater un salarié sur la base du paragraphe VI de l’article 19 de la loi sont celles dont la représentativité a été reconnue au plan national ou départemental pour les départements d’outre mer. Il s’agit, au plan national, de la CGT, la CFDT, la CGT-FO, la CFTC et la CFE-CGC.

Cette dernière organisation bénéficie d’une présomption de représentativité pour l’encadrement en vertu de l’arrêté du 31 mars 1966.

Un accord signé par un salarié mandaté par la CFE CGC pourra également concerner l’ensemble des catégories de salariés dès lors que ce syndicat aura pu établir la preuve de sa représentativité au niveau inter-catégoriel, conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation ( Cass. Soc. 7 novembre 1990 ). Il pourra donc être admis qu’un accord général puisse être signé par un salarié mandaté par ce syndicat soit lorsque le personnel d’encadrement est prépondérant, soit lorsqu’il résulte du résultat des élections professionnelles que ce syndicat est également représentatif dans d’autres collèges.

 

1.2. Le niveau du mandatement

La possibilité ouverte par la loi aux organisations syndicales de mandater un salarié joue au niveau où se déroule la négociation et est conclu l’accord. Ce niveau peut donc correspondre à l’entreprise ou l’établissement, comme le prévoit explicitement le paragraphe VI de l’article 19.

 

1.3. La contestation du mandatement

En cas de contestation des conditions de désignation du salarié mandaté, le tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, est compétent, soit dans le cadre de la procédure normale, soit, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure en référé.

 

II. Les caractéristiques du mandat

2.1. Le rôle de l’organisation mandante

Il appartient à chaque organisation syndicale, en fonction de ses pratiques et de ses statuts, de déterminer le niveau, en son sein, habilité à mandater (union locales, syndicat de branche, fédération...).

Les organisations syndicales ont un rôle essentiel à jouer dans le bon usage du mandatement. L’encadrement du mandatement effectué par la loi est précisément conçu pour permettre aux organisations syndicales d’être en capacité de jouer ce rôle, en garantissant l’effectivité du lien entre l’organisation mandante et le salarié mandaté.

La réussite du processus de négociation impliquant un salarié mandaté est en effet étroitement liée à l’appui que le syndicat mandant sera en mesure de lui apporter. Elle peut notamment appeler une formation préalable du mandaté et implique nécessairement un suivi de la négociation ainsi qu’un examen attentif du projet d’accord avant sa signature (cf. clauses du mandat).

Par ailleurs, le paragraphe XIII de l’article 19 a prévu que les organisations syndicales reconnues représentatives au plan national, ou départemental pour les DOM pourront bénéficier d’une aide de l’Etat destinée notamment à soutenir les actions de formation des salariés mandatés. Ce soutien s’inscrit dans la continuité de la loi du 13 juin 1998. Il sera déterminé en fonction du nombre de salariés mandatés et sur présentation de projets de formation permettant de développer la capacité de formation au plus près des lieux de négociation (unions locales, régionales).

 

2.2. Le contenu du mandat

Les clauses que doit comprendre le mandat portent sur les points suivants :

Pour la mise en œuvre du mandatement les précisions données dans la circulaire du 24 juin 1998 restent valables. Ainsi, il convient d’éviter les pratiques de ratification par un salarié d’un acte qui serait en fait établi de façon unilatérale par l’employeur. Les services ont donc localement à exercer un rôle d’information auprès des organisations mandantes. A travers l’établissement de liens avec elles, en amont de la négociation, les services déconcentrés doivent s’attacher à conforter le bon usage du mandatement et prévenir les éventuelles dérives.

Il convient toutefois de ne pas se substituer aux organisations syndicales dans l’appréciation de la réalité de la négociation, ni dans l’appréciation qualitative du contenu de l’accord signé par un salarié mandaté qui doit être approuvé par les salariés lors de la consultation.

 

III. Le salarié mandaté

3.1. Incompatibilités

Ne peuvent être mandatés :

3.2. Moyens et protection

3.2.1 Les moyens

Le salarié mandaté peut être accompagné lors des séances de négociation par un salarié choisi par lui au sein de l’entreprise.

Le temps passé par les salariés mandatés à la négociation de l’accord ainsi qu’aux réunions nécessaires pour son suivi est rémunéré comme temps de travail.

 

3.2.2 La protection

Le salarié mandaté bénéficie de la protection prévue par l’article L. 412-18 du code du travail. Comme pour les délégués syndicaux, cette protection est effective dès que l’employeur a connaissance de l’imminence de la désignation. La protection expire douze mois après la date à laquelle le mandat a pris fin.

Trois cas peuvent être distingués :

  • aucun accord n’a été conclu. La fin du mandat correspond à la date à laquelle les négociations ont pris fin. Le salarié mandaté sera protégé pendant une période de douze mois courant à compter de cette date.
  • le mandat débouche sur la conclusion d’un accord et ne comporte aucune précision sur la participation du salarié mandaté au suivi de l’accord. Le salarié mandaté est protégé pendant une période de douze mois courant à compter de la date de signature de l’accord.
  • le mandat débouche sur la conclusion d’un accord et comporte des précision sur la participation du salarié mandaté au suivi de l’accord. Le salarié mandaté bénéficiera alors de la protection, au titre de son mandat, pendant la période de suivi, laquelle ne peut dépasser douze mois. A l’issue de cette période, le mandat du salarié ayant pris fin, le salarié bénéficiera de la protection pendant une période de douze mois.

 

Après l’expiration du mandat, les éléments de protection énoncés à l’article L. 412-2 relatif notamment à la non discrimination syndicale sont applicables au salarié mandaté dans toute leur portée, compte tenu de la nature de l’activité exercée par le mandaté.

En effet, le salarié mandaté, alors même qu’il ne serait pas membre d’une organisation syndicale, se trouve cependant investi d’une fonction à caractère syndical, pour le compte d’une organisation représentative. Il va exercer pour la circonstance dans l’entreprise une activité normalement dévolue à l’organisation syndicale, en particulier dans la phase de suivi de l’accord.

Ainsi, des mesures discriminatoires qui seraient prises à l’encontre de l’un de ces salariés en raison de l’exercice de son mandat sont susceptibles de donner lieu à des poursuites sur le fondement de l’article L. 412-2, alinéa 1, du code du travail, sanctionné par l’article L. 481-3.

 

IV. Conditions particulières de négociation, de conclusion et de suivi de l’accord.

4.1. Les conditions d’organisation du mandatement

L’article 19 de la loi a prévu que l’employeur doit informer au plan départemental ou local les organisations syndicales de sa décision d’engager les négociations.

Cette information devra se faire en direction des unions syndicales locales ou départementales en amont de l’ouverture des négociations, dans les formes habituelles de l’invitation des organisations syndicales à la négociation du protocole pré-électoral en vue des élections professionnelles.

Dans ce cadre, il appartient à l’employeur de justifier par tous moyens d’avoir saisi les organisations syndicales. L’employeur pourra ainsi informer les unions locales par lettre recommandée avec accusé réception.

 

4.2. Les conditions de la négociation

L’accord est négocié par le salarié mandaté conformément aux règles du droit commun de la négociation collective.

Au cas où plusieurs salariés seraient mandatés par des organisations syndicales différentes, la négociation doit avoir lieu avec l’ensemble de ces salariés.

La signature de l’accord par l’un de ces mandatés suffit à l’assimiler à un accord prévu aux paragraphes I, II, et III de l’article 19, sous réserve de son approbation par les salariés.

La désignation d’un délégué syndical alors même qu’un salarié a déjà été mandaté, rend le mandatement caduc.

Le contenu de l’accord conclu par le salarié mandaté doit être conforme à l’ensemble des prescriptions figurant aux paragraphes II, III et IV de l’article 19.

 

4.3. Les conditions de conclusion et de validité de l’accord

Le mandat doit préciser les conditions dans lesquelles le projet d’accord est soumis à l’organisation mandante. Cette clause doit permettre à cette organisation, avant la signature de l’accord en son nom par le mandaté, d’apprécier son contenu résultant de la négociation. En cas d’opposition sur le fond, le syndicat peur retirer son mandat au salarié.

L’accord doit être signé par le salarié mandaté, et non l’organisation mandante.

L’article 19 de la loi prévoit que l’accord doit être approuvé par les salariés.

En principe, les modalités de la consultation doivent faire l’objet d’un accord entre l’employeur et le salarié mandaté. Lorsque l’accord ne prévoit pas ces modalités, la consultation est organisée par l’employeur selon des conditions qu’il détermine. En cas de désaccord, un salarié mandaté peut saisir le tribunal d’instance (cf. fiche n° 35 ).

Si l’accord n’est pas approuvé par le personnel, il ne peut ouvrir droit au bénéfice de l’allègement et, par suite, ne peut être considéré comme valide.

 

4.4. Les conditions du suivi et l’évolution de l’accord

Conformément aux termes de la loi, l’accord conclu avec un salarié mandaté doit prévoir les modalités selon lesquelles les salariés de l’entreprise et l’organisation syndicale mandante sont informés des conditions de sa mise en œuvre et de son application. La loi prévoit qu’au titre de son mandat, le salarié mandaté peut participer au suivi de l’application de l’accord pendant une période au plus égale à douze mois.

Ce suivi peut révéler à certains stades de la mise en œuvre de la réduction du temps de travail dans l’entreprise la nécessité d’adapter certaines clauses de l’accord. L’accord conclu sur la base du paragraphe VI de l’article 19 est un accord collectif de droit commun, dès lors qu’il a obtenu l’approbation des salariés, soumis aux dispositions légales relatives à la révision (L.132-7) et à la dénonciation (L. 132-8).

Aussi les dispositions organisant le mandatement peuvent elles s’appliquer à la négociation d’un avenant de révision de l’accord de réduction du temps de travail conclu avec un salarié mandaté sous réserve naturellement que la négociation n’ait pas pour objet de remettre en cause des clauses qui sont déterminantes au regard du bénéfice de l’allègement ( celles relatives à la durée collective du travail par exemple ).

Dans ce cas de figure, le régime juridique du mandat est le même que celui décrit dans la présente fiche, tant du point de vue des caractéristiques du mandat, des prérogatives des organisations syndicales que de la protection du salarié mandaté.

De même, en cas de dénonciation d’un accord, l’organisation syndicale signataire de l’accord dénoncé peut mandater un salarié afin de négocier dans le délai prévu au troisième alinéa de l’article L.132-8 du code du travail un accord de substitution. La protection du salarié mandaté obéit au même régime que celui décrit ci-dessus (III B).

 

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