Fiche n°22 : Réduction du temps de travail et rémunération

 

Deux articles de la loi du 19 janvier 2000 ont des incidences directes sur la rémunération des salariés :

- l’article 5, relatif au heures supplémentaires, qui précise notamment le régime applicable aux heures effectuées entre 35 et 39h

- l’article 32, qui comporte :

- les dispositions fixant les modalités de la garantie de rémunération des salariés payés au SMIC (article 32- I à V), traitées dans la fiche n° 21 ;

- des dispositions ayant une portée plus générale :

I - Réduction du temps de travail et bulletin de paye : les nouvelles mentions obligatoires

Le décret n°2000-70 du 28 janvier 2000, publié au JO du 29 janvier 2000 a complété les mentions obligatoires du bulletin de paye prévues à l’article R. 143-2 du code du travail, en fonction des dispositions de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail.

1.1 Les heures supplémentaires

Le décret ne modifie pas les règles applicables en la matière. Les heures supplémentaires doivent faire l’objet d’une mention spécifique obligatoire sur le bulletin de paye si elles donnent lieu à majoration de salaire.

Lorsqu’elles donnent lieu à une bonification en repos, les heures supplémentaires peuvent par conséquent ne pas être distinguées spécifiquement sur le bulletin de paye. Elles sont alors précisées au salarié en annexe du bulletin de paye, avec leur bonification, en application de l’article D 212-22 modifié du code du travail.

Lorsqu’elles donnent lieu à repos compensateur, les heures supplémentaires sont mentionnées uniquement sur l’annexe au bulletin de paye.

1.2. La nature et le volume du forfait par rapport auquel la rémunération peut être déterminée

Le bulletin de paye devait obligatoirement mentionner auparavant la référence horaire à laquelle se rapporte le salaire. Compte tenu des différents forfaits sur lesquels la rémunération peut désormais être déterminée (forfait hebdomadaire ou mensuel en heures, forfait annuel en jours ou en heures), il devra mentionner, pour l’information des salariés concernés, la nature et le volume du forfait par rapport auquel la rémunération est calculée (ex. " forfait annuel jours : 217 "). Il ne s’agit pas, pour les forfaits en jours, d’un relevé mois par mois des jours travaillés.

Le nombre et les dates des journées ou demi-journées travaillées mois par mois pour les cadres seront précisés dans le récapitulatif annuel prévu par le nouvel article D. 212-21-1.

1.3. Le complément différentiel de salaire

La mention de l’éventuel complément différentiel de salaire, par lequel peut s’effectuer la compensation de la réduction du temps de travail est ajoutée aux mentions obligatoires du bulletin de paie ( article R.143-2-6° du code du travail).

Il s’agit du complément différentiel prévu à l’article 32 pour les salariés rémunérés au SMIC, ou du complément différentiel appliqué pour les autres salariés et mentionné au VI de l’article 32 de la loi.

1.4. La suppression de l’obligation de mentionner sur le bulletin de paye les cotisations patronales

A l’occasion de cette modification du décret, il a été procédé au toilettage de l’article R-143-2 lié à l’intervention de la loi n°98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier qui a supprimé l’obligation de tenir un livre de paie ainsi que l’obligation de mentionner sur le bulletin les cotisations patronales.

Le 10° de l’article R 143-2 a donc été abrogé puisqu’il ne s’agit plus d’une mention obligatoire, et son contenu renvoyé dans un deuxième alinéa de l’article R 143-2 où il est précisé, conformément à ce que prévoit la loi précitée, que les cotisations patronales doivent être portées à la connaissance du salarié, soit sur le bulletin de paye, soit sur un récapitulatif annuel.

 

 

II- Rémunération et entrée en vigueur de la loi : la paye de janvier 2000 - la paye à partir de février 2000

La loi entre en vigueur le 1er jour du mois qui suit sa publication, soit le 1er février 2000, à l’exception des dispositions dont l’entrée en vigueur au 1er janvier 2000 est expressément prévue dans la loi.

La garantie de rémunération des salariés payés au SMIC est applicable au 1er janvier 2000, dans les entreprises qui ont réduit leur durée du travail en dessous de 39h, quel que soit leur effectif.

L’article 5 de la loi entrant en vigueur au 1er février 2000 (sous réserve des dispositions du VIII de cet article relatives au contingent), la bonification s’applique à partir du 1er février 2000 aux heures comprises entre 35 et 39h dans les entreprises de plus de 20 salariés, qu’elles aient ou non réduit leur durée collective de travail.

2.1 Paye du mois de janvier 2000 :

Il n’y a aucune modification du bulletin de paye des entreprises pour la paye de janvier.

Les heures supplémentaires comprises entre 35 et 39h n’ont pas à être distinguées sur le bulletin de paye puisqu’elles ne donnent pas lieu à majoration.

Les entreprises peuvent néanmoins, si elles le souhaitent, distinguer sur une ligne spécifique du bulletin de paye les heures supplémentaires comprises entre 35 et 39h.

 

2.2 Paye à partir du mois de février 2000

- Entreprises de plus de 20 salariés, dont la durée du travail reste à 39h :

Les heures supplémentaires comprises entre 35 et 39h donnent lieu en 2000 à une bonification de 10% en repos, sauf si un accord prévoit que la bonification donne lieu à majoration de salaire.

En application du VII de l’article 32 de la loi, les entreprises maintenant leur durée collective de travail à 39 heures ont la possibilité pendant l’année 2000 de calculer la rémunération de leurs salariés en mensualisant les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale :

Les bonifications en repos, qui doivent être portées à la connaissance du salarié, peuvent au choix de l’entreprise être mentionnées sur le bulletin de paye ou sur l’annexe au bulletin prévu par l’article D.212-22 du code du travail.

En conséquence, le bulletin de paye peut rester inchangé dans ces entreprises.

35x 52/12 x taux horaire + ( 39-35 ) x 52/12 x taux horaire x 110%

Les entreprises dans cette situation ont le choix entre :

- Entreprises de plus de 20 salariés appliquant la réduction du temps de travail

Dans les entreprises passées à 35h ou moins, mais dont certains salariés effectueraient un mois donné des heures supplémentaires, comme dans les entreprises dont la durée du travail est inférieure à 39h mais supérieure à 35h, les heures comprises entre 35 et 39h donnent lieu à bonification de 10% en 2000 sous forme de repos ou, si l’accord le prévoit, sous forme de majoration de salaire.

Deux cas doivent donc être distingués :

Devront également apparaître le cas échéant les nouvelles mentions obligatoires prévues à l’article R 143-2 modifié, précisées ci-dessus.

 

- Entreprises de 20 salariés au plus :

Il n’y a pas de modification du bulletin de paye, sauf si ces entreprise ont réduit leur durée du travail (mentions obligatoires précisées ci-dessus ).

 

 

III - Compensation salariale de la réduction du temps de travail par complément différentiel

La compensation salariale de la réduction du temps de travail peut être assurée par un complément différentiel de salaire, ou par une hausse du taux horaire.

La loi a défini la garantie applicable aux salariés payés au SMIC sur la base de la compensation par complément différentiel. Cependant ce choix n’interdit pas aux entreprises de retenir, y compris pour leurs salariés payés au SMIC, la modalité de la hausse du taux horaire, dès lors qu’elles respectent les montants de la garantie applicable aux salariés payés au SMIC et les revalorisations qui s’appliqueront à cette garantie.

3.1 La seule mise en place d’un complément différentiel n’est pas constitutive d’une modification du contrat de travail

La mise en place d’un complément différentiel pour les salariés rémunérés au SMIC par la loi du 19 janvier 2000 ne correspond pas à un changement du mode de rémunération mais précisément à un moyen de garantir le maintien de celle-ci dans le cadre particulier de la réduction du temps de travail de 39 à 35h. De la même manière pour les autres salariés, la seule circonstance que la compensation salariale intégrale de la réduction du temps de travail prenne la forme d’un complément différentiel de salaire ne peut être regardée comme constituant à elle seule une modification du contrat de travail.

Toutefois lorsque, en fonction de l’assiette de certaines primes, fixée conventionnellement, le complément différentiel de salaire n’est pas pris en compte dans le calcul de ces primes, et si de ce fait le choix opéré conduit à un maintien non intégral de la rémunération, il peut y avoir modification du contrat de travail, selon la nature et l’origine des avantages salariaux ainsi remis en cause (cf. fiche n° 27 ).

 

3.2 La nature du complément différentiel

Le complément différentiel a la même nature que la partie de salaire versée sur la base de la durée du travail après réduction. Il n’a pas un caractère indemnitaire.

Il est soumis à cotisations sociales, et doit être mentionné, comme précisé ci-dessus, sur le bulletin de paye dans les éléments de salaire soumis à ces cotisations. Sa mise en place ne modifie donc pas les droits à prestations sociales des salariés.

La Cour de Cassation s’est prononcée sur la nature des indemnités compensatrices à la RTT en affirmant que " la compensation pour réduction d’horaire a la nature de majoration de salaire à intégrer au salaire de base à comparer au minimum garanti, que celui-ci soit légal ou conventionnel " (Cass. 19/03/85 et 7/05/87).

Si dans un arrêt du 7 avril 1994 (Béghin Say), la Cour de cassation a estimé que les indemnités compensatrices allouées, dans le cadre d’un plan social, aux salariés à temps complet qui acceptent de travailler à mi-temps ont la nature de dommages-intérêts compensant le préjudice né de la réduction de leur temps de travail et ne doivent donc pas être soumises à cotisations, cette position ne peut être appliquée dans le cas présent s’agissant de la réduction du temps de travail effectuée dans le cadre de la loi du 13 juin 1998 ou de la loi du 19 janvier 2000. La jurisprudence récente confirme du reste que très rares peuvent être les circonstances dans lesquelles les sommes destinées à maintenir un salaire peuvent être exclues de l’assiette des cotisations sociales (Cass. Soc. 25 nov. 1999).

 

3-3 Complément différentiel et principe de proportionnalité temps plein - temps partiel

L’article 32 en son § VI (applicable à tous les salariés sous réserve des dispositions prévues au II pour les salariés rémunérés au SMIC) aménage le principe de proportionnalité de la rémunération des salariés à temps plein et à temps partiel posé par l’article L 212-4-5 du code du travail : lorsque en application des clauses d’une convention ou d’un accord les salariés ayant réduit leur temps de travail perçoivent un complément destiné à assurer le maintien total ou partiel de leur rémunération, ce complément n’est pas pris en compte pour déterminer la rémunération des salariés à temps partiel dont la durée du travail n’a pas été réduite ou des salariés à temps partiel embauchés postérieurement à la réduction du temps de travail.

Ainsi, les accords qui ont prévu que le complément salarial versé aux salariés à temps partiel ayant réduit leur durée du travail serait sans effet sur la rémunération des salariés dont la durée du travail n’est pas modifiée sont sécurisés.

 

3.4 Complément différentiel et assiette des heures supplémentaires : le complément différentiel peut ne pas être intégré dans l’assiette des heures supplémentaire

La question de l’intégration ou non d’une indemnité compensatrice à la RTT dans l’assiette de la majoration pour heures supplémentaires n’avait été traitée ni dans les circulaires ni dans la jurisprudence, à l’exception d’une décision de la cour d’appel de Paris d’octobre 1998 excluant la prise en compte d’une prime de ce type.

L’assiette des heures supplémentaires est définie par la jurisprudence par référence à la notion de salaire versé en contrepartie directe du travail fourni.

Le complément différentiel, correspondant au paiement des heures qui ne sont pas effectuées du fait de la réduction du temps de travail, et ne constituant pas de ce fait la contrepartie directe d’heures effectuées, peut ne pas être inclus dans l’assiette des heures supplémentaires. Telle est en tout état de cause la position retenue pour le complément différentiel au SMIC.

Il appartient bien évidemment aux partenaires sociaux de retenir s’ils le souhaitent des dispositions plus favorables. Certains accords de branches et d’entreprises ont du reste explicitement intégré le complément différentiel dans l’assiette des heures supplémentaires.

Lorsque le choix de la hausse du taux horaire est retenu, l’assiette des heures supplémentaires est de fait un taux horaire intégrant la compensation salariale accordée.

 

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