Effets
de la RTT sur le contrat de travail |
|
|
La réduction du temps de travail dans l'entreprise est souvent
la cause de modifications des conditions de vie au travail des salariés.
Le droit leur reconnaît la faculté de réagir en refusant
les modifications affectant leur contrat de travail. Face à ce
refus, que peut faire l'employeur ? Procéder au licenciement
du salarié tout en respectant une certaine procédure. |
Quand
le salarié peut-il réagir ? |
Le
salarié peut refuser les modifications de son contrat. A contrario,
celui-ci doit accepter les modifications qui n'affectent que ses conditions
de travail, celles-ci relevant du pouvoir de direction de l'employeur.
Le licenciement qui peut être prononcé répond à
des règles particulières.
Il peut réagir
si le contrat lui-même est modifié
- Distinction entre conditions de travail et contrat de travail
Les
modifications ne concernant que les conditions de travail peuvent
être unilatéralement imposées par l'employeur.
Les modifications qui affectent le contrat de travail doivent,
quant à elles, être acceptées par le salarié.
Ainsi, le contrat de travail est modifié lorsque
la réduction du temps de travail a pour effet de :
- réduire le salaire fixé par le contrat du salarié ;
- changer le mode de calcul de la rémunération, par
l'instauration d'une prime différentielle par exemple, même
si celle-ci évite une réduction de la rémunération ;
- modifier une convention de forfait ;
- instaurer un nouvel aménagement des horaires de travail
ayant pour effet de modifier les caractéristiques du poste
de travail.
Ne constituent pas une modification du contrat :
- la diminution d'heures supplémentaires de travail même
accomplies régulièrement dès lors qu'aucune
convention de forfait ne lie l'employeur ;
- la modification des horaires dès lors qu'elle n'engendre
pas une transformation du contrat ;
- et désormais, en
vertu de la loi,
la seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat
de travail en application d'un accord de réduction de la
durée du travail ;
il faut donc que la réduction du temps de travail affecte
un autre élément contractuel pour en conclure que
la RTT emporte modification du contrat (c. trav. art. L.212-3 nouveau).
- Lorsque le contrat est modifié, l'origine de la modification
est indifférente
Selon la
Cour de cassation, un accord collectif ne peut, en toute hypothèse,
modifier les contrats de travail (Cass. soc. 25/02/98). En conséquence,
que la modification résulte d'une décision de l'employeur
ou de l'application d'un accord collectif, l'employeur doit recueillir
l'accord individuel de chacun des salariés concernés
si cette réduction a pour conséquence de modifier un
élément de leur contrat.
Quelques illustrations
de modifications en cas de RTT
- Pas de modification du
salaire contractuel
La
jurisprudence est très claire. Elle affirme sans ambiguïté
que la rémunération fixée par le contrat du
salarié constitue un élément essentiel du contrat
qui ne peut être révisé, même de manière
minime, sans son accord (Cass. soc. 19/05/98).
En revanche, un avantage salarial fondé sur un usage
qui n'est pas expressément incorporé au contrat peut
être supprimé intégralement ou partiellement par
l'employeur de façon unilatérale, sous réserve
que celui-ci respecte les conditions de dénonciation des usages
(consultation des élus du personnel, respect d'un préavis
et notification à chaque salarié).
- La RTT peut avoir pour effet de diminuer les heures supplémentaires
Sauf convention
de forfait, le salarié ne peut considérer que la suppression
d'heures supplémentaires même accomplies régulièrement,
constitue une modification de son contrat. Il en a été
ainsi jugé pour un horaire ramené par l'employeur de
45 heures à 42 heures, les termes du contrat n'étant
à cet égard, ni clairs ni précis, le contrat
ne pouvait être considéré comme modifié
(Cass. soc. 20/03/98).
En présence d'une convention de forfait, le raisonnement
à adopter s'inverse. La décision de réduire la
durée du travail et corrélativement la rémunération
contractuellement prévue constitue, en ce cas, une modification
du contrat. En conséquence, la conclusion d'un accord collectif
de réduction du temps de travail ne permettra pas à
un employeur d'éviter une négociation avec chaque salarié
bénéficiant d'une convention de forfait.
- Effets d'une compensation salariale
Afin d'éviter
une diminution du salaire mensuel, la majorité des accords
de réduction du temps de travail prévoit soit un maintien
du salaire se concrétisant par une augmentation du taux horaire,
soit l'instauration d'une prime différentielle. Dans la première
hypothèse, le contrat n'est pas, en ce qui concerne le salarié,
modifié. Dans la seconde, au contraire, le juge estimant que
le mode de rémunération constitue un élément
du contrat, celui-ci doit être considéré comme
modifié (Cass. soc. 19/05/98).
- Modification des horaires
Si elle
n'affecte pas la rémunération, la modification des horaires
constitue, en principe, un simple changement des conditions de travail
qui relève du pouvoir de direction de l'employeur. Toutefois,
lorsque le réaménagement est important, le juge considère
qu'il y a modification du contrat.
Il y a, par exemple, modification du contrat lorsque l'employeur
répartit le travail sur les 5 jours de la semaine avec un service
à assurer les samedi et dimanche, alors qu'auparavant les salariés
travaillaient une semaine 3 jours et une semaine 4 jours (Cass. soc.
10/05/99 n° 2136 P). Il en est de même en cas d'obligation
d'effectuer des horaires nocturnes non prévus au contrat (Cass.
soc. 19/02/97).
|
Les conséquences
d'une réaction du salarié
|
Face
au refus d'un salarié d'accepter une modification de son contrat
corrélative à une RTT, l'employeur peut engager une procédure
de licenciement personnel ou économique selon le cas.
Des règles
spécifiques à la RTT
En
principe, confronté au refus d'un salarié d'accepter une
modification de son contrat, l'employeur peut soit revenir sur sa décision,
soit engager une procédure de licenciement, dans la mesure, bien
entendu, où la modification projetée repose sur une cause
réelle et sérieuse de licenciement. Selon les circonstances,
celui-ci peut être prononcé, soit pour un motif personnel,
soit pour un motif économique.
Dans l'hypothèse d'une RTT organisée par un
accord collectif, le législateur, prenant en compte la finalité
de la réduction du temps de travail (lutter contre le chômage),
a prévu une qualification spécifique du licenciement.
- Un licenciement personnel en principe
Aux
termes du nouvel article L.212-3, " lorsqu'un
ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat
de travail en application d'un accord de réduction de la durée
du travail, leur licenciement est un licenciement individuel ne reposant
pas sur un motif économique ".
Il est soumis aux dispositions des articles L.122-14 à L.122-17
du code du travail.
Seule la procédure relative au licenciement prononcé
pour un motif personnel est donc applicable.
- Dans certains cas, un licenciement économique
Dans l'hypothèse où
la réduction du temps de travail serait mise en oeuvre unilatéralement
par le chef d'entreprise comme il en a la faculté dans le cadre
de la semaine ou du mois, le licenciement devrait, si l'on s'en tient
à la lecture de l'article L.321-1 qui définit le licenciement
économique, revêtir ce caractère.
Il faut alors en conclure que la procédure du licenciement
économique, éventuellement collectif, devra être
respectée. Les formalités de consultation des représentants
du personnel, d'information de l'administration et de proposition de
convention de conversion devront notamment être effectuées.
La légitimité
du licenciement
Que le licenciement soit
considéré comme personnel ou économique, la légitimité
de la rupture est régie par les règles du droit commun.
L'employeur doit donc invoquer une cause réelle et sérieuse
de licenciement qui ne peut pas résider dans le refus du salarié.
Rappelons, à cet égard, que lors de la discussion de la
première " loi Aubry " du 13 juin 1998, le
ministre avait considéré que " la conclusion d'un
accord collectif préalablement à la mise en oeuvre de
la réduction du temps de travail est un élément
qui contribue à établir la légitimité de
la modification du contrat de travail proposée par l'employeur
et, par voie de conséquence, celle du licenciement prononcé
en cas de refus du salarié " (rapport 306 de la commission
des Affaires sociales du Sénat, p. 120).
|
Cas des salariés
à temps partiel
|
Les
salariés à temps partiel ne sont pas juridiquement concernés
par la durée de travail collective en vigueur dans l'entreprise.
Des règles particulières concernant leur rémunération
sont prévues par la loi en cas de RTT accompagnée d'une
compensation salariale.
La loi n'impose
pas la réduction de leurs horaires
Une
réduction collective de la durée du travail ne peut donc
pas avoir d'incidence immédiate sur leur statut, quand bien même
celle-ci serait prévue par un accord collectif.
|
|