L'INAPTITUDE PHYSIQUE  

 

circulaire ministérielle 94-13 du 21/11/94

 

 
1. MAINTIEN DU SALAIRE PENDANT LA RECHERCHE D'UN RECLASSEMENT  
L'article L.122-24-4 dispose notamment que : si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail ou s'il n'est pas licencié, l'employeur est tenu de verser à l'intéressé, dès l'expiration de ce délai, le salaire...  
Cet article a donné matière à quelques controverses au sein de la juridiction prud'homale et nous a conduit à devoir exposer le contexte des débats parlementaires, dont la nature éclaire sur l'intention du législateur.  
Prochainement, vous serez peut-être confronté à une discussion portant sur la signification de l'expression
" dès l'expiration de ce délai " ;
 
en effet, considérant que l'employeur avait une espèce d'obligation de résultat enfermée dans ce délai d'un mois, certains n'hésitaient pas à penser que, faute d'une recherche s'avérant positive, le salaire devait alors être tout de même versé depuis le premier jour !  
Or, la loi n° 92-1446 résulte, entre autres, des débats du Sénat, en date du 17-12-92, où le Ministre du Travail de l'époque (Mme Martine AUBRY) s'est opposé à deux amendements du groupe communiste dont l'objet similaire était d'ajouter...  
tant dans le projet de nouvel article L.122-24-4,  
qu'au premier alinéa de l'article L.122-32-5 déjà existant, que le salaire était alors " dû depuis la date de l'examen", c'est-à-dire depuis le point de départ ;  
les deux amendements ont été repoussés en séance publique (cf. J.O. Débats du SENAT pages 4237 et 4238) et il convient donc de ne calculer les éventuels droits à rappel de salaire qu'à compter du mois écoulé.  
   
2. LA RUPTURE DE LA RELATION  
a. MODALITE  
C'est un licenciement, l'employeur ne pouvant se limiter à prendre acte de l'altération physique et imputer au salarié l'origine de la rupture du contrat de travail.  
b. PROTECTION  
L'employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin en vue du reclassement du salarié, mais il doit au besoin solliciter ces propositions lorsque le médecin ne s'exprime pas explicitement !  
c. la faute du salarié  
Le refus, d'occuper les divers emplois de reclassement proposés et compatibles avec l'état de santé et la qualification du salarié, peut être constitutif d'un comportement abusif et valider un licenciement pour motif inhérent à la personne.  
d. PREAVIS  
Le salarié inapte ou malade ne peut effectuer le délai-congé et ne peut donc en revendiquer le paiement.  
e. INDEMNITE CONVENTIONNELLE  
Si l'indemnité légale de licenciement est due dans tous les cas, la convention collective peut limiter le versement de la part supérieure (c'est-à-dire le montant plus favorable que la Loi) à certaines hypothèses limitativement énumérées.  
   
3. L'ACCIDENT DU TRAVAIL  
a. QUALIFICATION  
Pour bénéficier de la protection particulière concernant les accidentés du travail, il faut que la sécurité sociale reconnaisse l'existence de certaines circonstances ;  
en cas de litige à ce sujet, le Conseil de Prud'hommes doit surseoir à statuer, si les délais de contestation sont encore ouverts, car toute controverse d'ordre médical échappe à la compétence du juge du contrat de travail.  
I) TRAVAIL EFFECTIF  
Même survenue au poste de travail, une modification de la santé du salarié peut résulter d'une évolution (peut-être inaperçue antérieurement mais constante) et amener ainsi la sécurité sociale, sous réserve des voies de recours devant le TASS, à invoquer la notion d'usure et non celle d'accident.  
II) SUBORDINATION  
Seul le trajet effectué pendant l'exercice d'une activité professionnelle est assimilable à une présence effective au poste de travail :  
commerciaux et techniciens d'intervention en déplacement dans un véhicule personnel ou de fonction,  
autres catégories de personnel en mission spéciale avérée.  
III) DECLARATION UNILATERALE DU SALARIE A LA CPAM  
Si l'accident n'était pas connu de l'employeur à l'époque du licenciement, aucune protection ne jouait alors en faveur du salarié.  
b. LICENCIEMENT ABUSIF  
I) La décision de rupture est injustifiée lorsqu'elle a été prise hâtivement, c'est-à-dire dans un délai ne faisant pas apparaître un commencement de considération par rapport aux propositions du médecin du travail.  
II) Un déclaration d'inaptitude à la reprise du travail a pour seul effet de différer cette reprise de fonction et ne permet donc pas de licencier pour inaptitude à l'emploi.  
III) En demandant uniquement une indemnité pour violation de l'article L.122-32-2, un salarié se prévaut en réalité du maximum de ses droits :  
tant au titre du licenciement injustifié,  
qu'à celui de l'éventuelle irrégularité de procédure ;  
dès lors, si le licenciement s'avère tout de même justifié, mais que la procédure légale n'a pas été respectée, les juges doivent impérativement accorder à l'intéressé l'indemnisation spécifique visée à l'article L.122-14-4 (maximum un mois de salaire).  
c. PRIME DE PRECARITE  
Le salarié victime d'un accident du travail, inapte à l'emploi, initialement recruté par contrat à durée déterminée, a droit à la prime calculée sur la base...  
de la totalité des rémunérations effectivement perçues  
et de celles qu'il aurait perçues jusqu'au terme normal du contrat,  
car l'accident du travail constitue un risque de l'entreprise.  
   
4. LA MALADIE NON PROFESSIONNELLE  
a. LICENCIEMENT  
La protection tirée de la loi n° 90-602 n'a pas vocation à remettre en cause la jurisprudence validant les licenciements découlant de la désorganisation de l'entreprise et de la difficulté de pourvoir, autrement que définitivement, au remplacement de l'intéressé ;  
en effet, la Cour de cassation admet diverses justifications liées à :  
I) la répétitivité ou la durée d'une indisponibilité,  
II) la spécificité de l'emploi concerné,  
III) la taille de l'entreprise.  
Si l'article L.122-45 du CT dispose que… aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison (notamment) de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail (et) déclare nul de plein droit toute disposition ou tout acte contraire…  
la Cour de cassation énonce que ce texte " ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement ".
Cass. soc. 16/07/98 Sté La Parisienne assurances c/Darcy et a. n° 4188 P
Cass. soc. 16/07/98 Desroches c/Coopérative Atlantique, n° 4185 P
Cass. soc. 15/07/98 Laboratoire Soludia c/Mme Mestdagh, n° 3664 P
Cass. soc. 15/07/98 Chaptal c/Dubedout, n° 3660 Cass. Soc 10/11/98 arrêt 4509 P pourvoi n°98-40.493
 
b. CONTROLE MEDICAL " PATRONAL "  
Le refus de la contre visite médicale organisée par l'employeur peut priver le salarié, conformément aux accords collectif, de l'indemnisation complémentaire aux prestations de la sécurité sociale, mais ce refus ne constitue pas une cause de licenciement.