clause de non-concurrence

 

AVIS de M. KEHRIG, Avocat général

Contrairement à la plupart des législations européennes aucun texte de portée générale ne réglemente, en droit français, les clauses de non-concurrence. C'est donc votre jurisprudence qui en a façonné le régime juridique, au fil de nombreux arrêts prenant en compte, de manière diverse, des impératifs contradictoires tels que les intérêts de l'entreprise, le principe de la libre concurrence et celui de la liberté du travail.

Les sept pourvois dont vous êtes aujourd'hui saisis pourraient vous offrir l'occasion de donner un tour nouveau à cette jurisprudence qui s'est déjà profondément renouvelée, au cours de la dernière décennie marquée, d'ailleurs, par l'introduction dans le Code du travail de l'article L. 120-2 aux termes duquel : "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché".

La pratique de ces clauses - qui tendent à se banaliser - est fort ancienne. Prévues, la plupart du temps dans le contrat de travail ou la convention collective, elles interdisent au salarié, à l'issue de son contrat de travail - par licenciement ou démission - de se mettre au service d'une entreprise concurrente ou de s'établir à son propre compte.

On sait que ces clauses suscitent, parfois, l'étonnement du juriste (1) car elles produisent des effets de droit précisément au moment où les obligations contractuelles sont éteintes sans, de surcroît, qu'il soit distingué, en général, selon le mode de rupture du contrat ou son motif : démission, licenciement du fait du salarié ou licenciement économique (2)... et plus tard, éventuellement, licenciement sans cause réelle et sérieuse...

Elles sont, en second lieu, fortement critiquées :

Sous l'influence, sans doute, de ces critiques et de la pression des juges du fond votre abondante jurisprudence a pris, de plus en plus, en compte l'émergence du principe de la liberté du travail.

À la vérité, ce principe, profondément ancré dans nos mentalités et présenté par les juristes comme un principe fondamental de notre droit est quelque peu négligé par la doctrine et fort mal traité par le droit positif.

En effet, en dehors des études relativement récentes de Gérard Couturier et de Jean Rivero (4) il faut remonter au traité élémentaire de législation industrielle de Paul Pic, publié en 1922, pour trouver une analyse d'ensemble de la liberté du travail, liberté qui n'est d'ailleurs qu'un des rameaux de la liberté professionnelle, l'autre rameau étant la liberté d'entreprendre.

Par ailleurs, cette liberté n'est guère mieux traitée en droit international et en droit interne.

Certes, au plan international, la Charte sociale européenne révisée (C.S.E.) signée à Strasbourg le 3 mai 1996 prévoit notamment l'obligation pour les parties de "protéger de façon efficace le droit pour le travailleur de gagner librement sa vie par un travail librement entrepris" (5)

. Mais il n'existe pas de contrôle juridictionnel de l'application de cette Charte.

D'autre part, la liberté du travail ne fait pas partie, en tant que telle, des droits protégés par la Convention européenne des droits de l'homme, sous réserve de l'inventivité du juge européen et de sa jurisprudence Airey du 9 octobre 1979 (6) selon laquelle "nulle cloison étanche" ne sépare la "sphère des droits économiques et sociaux" du domaine de la Convention, étant observé que si ladite Convention "énonce pour l'essentiel des droits civils et politiques nombre d'entre eux ont des prolongements d'ordre économique et social".

Quant au droit interne, aucun texte ne consacre directement et sans ambiguïté la liberté du travail salarié.

Au vrai, celle-ci n'a jamais été expressément proclamée. Elle a seulement été déduite de l'article 7 du décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, abolissant les corporations et rendant possible l'institution du marché du travail en énonçant qu'il "sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon".

Une formulation plus moderne du principe de la liberté professionnelle figure dans un arrêt du Conseil d'État du 22 juin 1963 qui le définit comme "le libre accès à l'exercice par les citoyens de toute activité professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale".

Quant au Conseil constitutionnel, il n'a pas, pour l'heure, consacré nettement la liberté du travail (7), le préambule de la Constitution de 1946, repris par celui de la Constitution de 1958 n'énonçant que le principe d'un droit au travail sans, cependant, affirmer expressément la liberté du travail, puisqu'il se borne à déclarer que "chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi".

C'est seulement dans deux textes de valeur législative, l'article L. 412-1 du Code du travail et l'article 431-1 du Code pénal que se trouve affirmé de façon incontestable mais indirecte le principe de la liberté du travail. Le premier de ces textes dispose que "l'exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution de la République, en particulier de la liberté individuelle du travail".

Quant au second, il sanctionne pénalement l'inobservation de cette liberté.

Cependant, au terme d'une sensible évolution pendant la dernière décennie votre Chambre a reconnu la valeur constitutionnelle de la liberté du travail (8).

Le premier tournant de votre jurisprudence se situe au début des années quatre vingt dix. Jusque là vous considériez "qu'une clause de non-concurrence est, en principe, licite et ne doit être annulée que dans la mesure où elle porte atteinte à la liberté du travail en raison de son étendue dans le temps et dans l'espace, et quant à la nature de l'activité de l'intéressé". L'employeur n'avait donc pas à rapporter la preuve de la licéité d'une telle clause (9) qui était considérée comme valable dès lors qu'elle n'était pas trop étendue et n'interdisait donc pas au salarié de retrouver un emploi.

Mais il a fini par vous apparaître que les limitations temps - espace - activité prohibée (10) n'étaient que des "indicateurs (...) de l'équilibre établi par la clause" (11) et vous en êtes arrivés à contrôler l'opportunité de la décision du chef d'entreprise d'imposer au salarié une clause de non-concurrence, passant ainsi du contrôle de l'étendue de la clause à celui de sa légitimité (12).

Vous avez franchi ce pas, en 1992, avec votre arrêt Godissart (13) (dit du laveur de vitres). Désormais vous exigez, pour admettre la validité d'une telle clause, qu'elle soit indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise. Cette formule a, d'ailleurs, été reprise et transposée dans vos trois arrêts du 11 juillet 2000 (14), relatifs aux clauses d'exclusivité des V.R.P., bien que l'atteinte à la liberté du travail portée par de telles clauses soit potentiellement moins grave que celle des clauses de non-concurrence qui peuvent aller jusqu'à l'interdiction, certes provisoire, mais néanmoins totale d'une profession sur un territoire donné (15).

Depuis l'arrêt du laveur de vitres vous avez continué à progresser sur la voie d'une jurisprudence de plus en plus restrictive (16). Tout récemment (17) vous avez jugé qu'est nulle la clause incluse dans un contrat de travail aux termes de laquelle l'employeur se réserve la faculté, après la rupture, d'imposer (18) au salarié une obligation de non-concurrence ce qui reviendrait à le laisser seul juge de l'opportunité de l'atteinte portée à la liberté du travail de son salarié.

D'autre part, la clause de non-concurrence est tellement exorbitante que vous n'avez pas voulu que, de surcroît, lorsqu'elle peut être admise, en l'état de votre jurisprudence, l'employeur puisse la faire varier à sa guise .

Mais votre arrêt le plus marquant est sans doute l'arrêt Martinez (19), du 19 novembre 1996. Dans cette décision, vous avez non seulement repris la formule de l'arrêt Godissart mais, en outre, vous avez fondé cette position réitérée sur une assise juridique plus explicite puisque votre décision a été rendue au double visa de l'article 7 de la loi des 2-17 mars 1791 et du principe constitutionnel de la liberté du travail.

À la lecture de cet arrêt, un commentateur aussi avisé que le professeur Couturier a pu noter qu'on "voit bien que la validité des clauses de non-concurrence a cessé d'avoir valeur de principe" (20) et souligner que désormais ce sont la liberté du commerce et de l'industrie et la liberté du travail qui sont premières, les clauses qui, par définition, apportent des restrictions à de telles libertés ne pouvant être qu'exceptionnellement admises lorsqu'elles sont tout à fait indispensables pour sauvegarder l'entreprise vis-à-vis de risques particuliers, identifiés et avérés, notamment des risques de détournement de clientèle ou de divulgation de savoir-faire. Encore faut-il que la portée de la clause soit proportionnée à la mesure de tels risques.

L'arrêt Martinez n'est pas resté un arrêt isolé puisque, par la suite, vous avez à de nombreuses reprises fait référence dans vos décisions, de cassation ou de rejet, "à l'article 1134 du Code civil, (à) l'article 7 de la loi des 2-17 mars 1791 et (au) principe constitutionnel de la liberté du travail" (21) pour protéger cette liberté, non seulement, d'ailleurs, des clauses de non-concurrence mais aussi des clauses d'exclusivité - comme nous y avons déjà fait allusion - et de certaines techniques contractuelles de fidélisation du personnel (22)

* * *
     

En cet état de votre jurisprudence, les espèces qui vous sont aujourd'hui soumises par les sept pourvois pourraient vous conduire à adopter un positionnement clair, sous réserve des déclarations de plusieurs ministres du Travail qui seront évoquées plus loin :

Soulignons, tout d'abord, que la condamnation de principe des clauses de non-concurrence - si vous faites ce choix - ne devrait concerner que les clauses de non-réembauchage lorsqu'il n'est pas établi, par l'employeur, que la nature particulière de l'activité de l'entreprise et de l'emploi du salarié les rend nécessaires.

En revanche, cette condamnation ne devrait pas affecter les clauses qui se bornent à interdire à un salarié, de créer, après son départ de l'entreprise, une entité économique concurrente (23). Mais ces dernières clauses doivent être interprétées strictement (24). C'est ce que vous permettront de rappeler les pourvois inscrits sous les nos 5, 6 et 7 du rôle de cette audience.

Dans ces affaires, trois salariés avaient démissionné de la société qui les employait et avaient été engagés par une société concurrente. Par les trois arrêts attaqués la cour d'appel d'Aix-en-Provence les a condamnés, pour infraction à la clause contractuelle de non-concurrence les liant à leur employeur, au motif que cette clause qui portait interdiction d'exploitation directe ou indirecte d'une activité concurrentielle emportait interdiction pour le salarié d'accepter un emploi similaire dans une entreprise concurrente, non créée par lui.

Le moyen unique de cassation pris en sa première branche fait valoir, à juste titre, que cette clause n'interdisait pas aux intéressés une activité de salariés après leur démission.

Ces trois décisions doivent donc être cassées, la Cour ayant méconnu le principe de l'interprétation stricte des clauses de non-concurrence, en étendant à la liberté du travail une clause qui ne concernait que la liberté d'entreprendre.

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Dans l'affaire n° 2 (S Go Sport) la clause de non-concurrence interdisait à la salariée d'entrer au service, en France et pendant un an, d'une entreprise ayant pour activité principale ou secondaire la vente au détail de vêtements et matériel de sport grand public, alors qu'elle était âgée de 54 ans et avait 20 ans d'expérience professionnelle dans ce secteur.

La cour d'appel de Paris, par l'arrêt attaqué, a déclaré nulle et non avenue cette clause en estimant qu'elle interdisait à la salariée de retrouver un emploi conforme à son expérience professionnelle, sauf pour elle à s'expatrier.

C'est cette affaire qui pourrait vous permettre de prolonger votre arrêt Martinez, précité, en énonçant la nullité de principe des clauses de non-concurrence ou en tout cas leur inopposabilité au salarié - lorsqu'elles portent atteinte à la seule liberté du travail. Vous pourriez, en outre, pour faire bonne mesure, rappeler qu'en cas de faute au préjudice de son ancien employeur, commise par le salarié dans son nouvel emploi, celui-ci devrait en répondre, alors d'ailleurs, que l'entreprise bénéficie de la protection de la loi pénale, en cas de divulgation des secrets de fabrication ou de corruption d'employé.

Ainsi serait fortement posé le principe que toute clause de non-concurrence portant nécessairement atteinte à la liberté du travail est nulle, sauf exception lorsque l'employeur rapporte la preuve que les règles de la concurrence déloyale ne suffisent pas à protéger les intérêts légitimes de l'entreprise (25).

Si vous ne faites pas ce choix radical et si, néanmoins, vous voulez rénover votre jurisprudence il vous reste la possibilité de resserrer votre contrôle - ponctuel - de proportionnalité mais, surtout, de subordonner la validité de l'obligation de non-concurrence post contractuelle à l'existence d'une contrepartie financière afin d'inciter l'employeur à ajuster l'amputation de la liberté du salarié à la seule impérieuse nécessité de protection de l'entreprise (26).


Le contrôle de proportionnalité - notion empruntée au droit communautaire - est, aujourd'hui, exercé, non seulement par votre chambre sociale, au regard de la liberté du travail, mais aussi par la chambre commerciale, au regard de celle du commerce et de l'industrie (27).

L'arrêt Godissart, précité, est la meilleure illustration du recours à ce principe pour limiter la liberté contractuelle et de son côté, le législateur l'a consacré par l'article L. 120-2, également précité.

La mesure de la proportionnalité doit être faite concrètement, au cas par cas, ce qui vous amènerait sans doute, un jour, - si vous n'optez pas pour la nullité de principe des clauses de non-concurrence - à trancher le problème de l'opposabilité de la clause au salarié licencié pendant la période d'essai ou "trop vite pour qu'il ait eu le temps d'acquérir un savoir faire ou un contact avec la clientèle utilisables par un concurrent" (28)...

L'exercice de ce contrôle de proportionnalité vous conduirait, bien sûr, à sanctionner par la nullité pure et simple de la clause l'absence totale d'intérêt légitime.

Mais, la plupart du temps, la clause apparaîtra seulement excessive et la réduction sera, alors, la sanction normale (29). C'est dans cette voie que vous vous êtes engagés, par un arrêt du 25 mars 1998 (30), en admettant qu'une cour d'appel ait "pu décider qu'il y avait lieu de réduire le champ d'application géographique de la clause aux seuls départements dans lesquels (l'intéressé) avait exercé effectivement ses fonctions".

L'arrêt attaqué par le pourvoi inscrit sous le n° 8 du rôle s'insère dans la ligne novatrice de cette décision. Les juges ont, en l'espèce, limité la validité de la clause de non-concurrence d'un chargé de mission du GAN Vie aux seuls clients qu'il lui avait apportés, après avoir relevé que la clause litigieuse constituait, en raison de la spécificité de l'activité professionnelle de l'intéressé, de son âge et de la composition de sa famille, une entrave à sa liberté de travailler.

Cet arrêt qui affine encore le contrôle de proportionnalité nous paraît donc devoir être approuvé.

Cependant, quelque poussé qu'il soit, le contrôle de la proportionnalité présente le grand inconvénient de laisser le salarié dans l'incertitude sur l'étendue de ses obligations et, donc, d'entraîner un important contentieux.

Plus énergique et sans aucun doute modératrice serait l'exigence par votre Chambre d'une contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence après expiration du contrat de travail, exigence qui figure déjà dans la plupart des législations des Etats membres de l'Union européenne (31).

Mais en l'état actuel du droit positif français alors pourtant qu'une telle obligation fait peser sur le salarié une contrainte qui peut être lourde, dans un contexte économique de reprise supposant une grande mobilité, ni la loi, ni la jurisprudence ne prévoient de contrepartie pécuniaire à son profit.

Bien au contraire, votre jurisprudence est fermement fixée dans le sens du refus de soumettre la validité de la clause de non-concurrence à l'existence d'une contre-prestation fournie par l'employeur (32).

Jusqu'à présent vous avez toujours estimé qu'à défaut de convention collective ou de clause particulière du contrat de travail l'employeur ne doit au salarié aucune contrepartie à l'engagement de celui-ci de ne pas travailler dans un secteur concurrentiel (33).

Cette jurisprudence semble être mal acceptée par les juges du fond (34) et elle est critiquée par de nombreux auteurs (35) qui soulignent (36) qu'elle heurte, d'abord, un souci d'équité : "le salarié ne saurait être privé de son libre droit au travail sans compensation" (37) et que, d'autre part, alors que les conventions collectives prévoient presque toujours, dans une telle hypothèse, le versement d'une indemnité compensatrice, il peut paraître choquant que seuls les salariés dont la relation de travail n'est pas régie par une telle convention et qui, la plupart du temps, ne bénéficient pas d'une protection sociale étendue, en soient privés (38).

Enfin, est-il observé, sur le plan strictement juridique, votre doctrine semble difficilement conciliable avec le principe fondamental du droit des obligations selon lequel la validité d'une obligation suppose l'existence d'une cause.

D'autre part, au milieu des années 1980, l'attention du ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle, du garde des Sceaux, puis du ministre de l'Emploi et de la Solidarité a été appelée sur cette question par des parlementaires. Dans sa réponse de 1985 (39), le ministre du Travail a indiqué "qu'il apparaît souhaitable d'assurer, en toute hypothèse, une légitime compensation aux salariés qui voient ainsi limiter leurs possibilités d'emploi" et précisé que "dans cet esprit le Gouvernement étudie actuellement les mesures propres à garantir une juste contrepartie aux salariés pendant la période d'interdiction de la concurrence". Ainsi les services du ministère du Travail avaient-ils envisagé d'harmoniser le droit positif non seulement avec la législation applicable en Alsace-Moselle (40) mais également avec celle en vigueur dans certains Etats membres de l'Union européenne (41). Mais l'étude de ce projet semble avoir été mise en sommeil depuis 1990 "compte tenu des priorités définies par le Gouvernement". Par ailleurs, dans une autre réponse du 3 septembre 2001, le ministre estime "que toute proposition dans le domaine des clauses de non-concurrence doit faire l'objet d'une étude et d'une concertation approfondie avec les organisations représentatives des employeurs et des salariés afin de dégager une véritable solution qui permettra de concilier au mieux les intérêts des entreprises et la nécessité de préserver pour tous les salariés privés d'emploi un véritable accès au marché du travail".

En l'état de cette prise de position très récente, il nous paraîtrait opportun de renvoyer le jugement des affaires qui vous sont aujourd'hui déférées jusqu'à ce que le parquet général ait pu utilement prendre contact avec les services du nouveau ministre du Travail ou, encore, jusqu'à ce qu'il ait pu consulter les organisations syndicales, ouvrières et patronales, comme il l'avait fait lors de l'examen par votre Chambre des clauses d'exclusivité (arrêts précités, 11 juillet 2000).

Si, cependant, vous estimez qu'il convient de statuer, sans retard (42), vous pourriez aussi envisager, outre la solution examinée au I. de ces conclusions, de remodeler votre oeuvre jurisprudentielle en appliquant strictement les règles du droit contractuel et en revenant donc sur votre refus de considérer l'existence d'une contrepartie financière comme nécessaire à la validité de l'obligation de non-concurrence post contractuelle. En ce sens, on peut, d'ailleurs, citer l'un de vos arrêts récents, l'arrêt Lemaire, du 2 février 1999, non publié (43) par lequel vous avez approuvé la décision d'une cour d'appel déclarant nulle une clause de non-concurrence, après avoir relevé que ladite clause "qui n'était pas assortie d'une contrepartie financière, portait manifestement une grave atteinte à la liberté de travailler du salarié en raison de sa durée excessive et de son étendue (...)".

Cet important revirement de jurisprudence pourrait avoir lieu à l'occasion de l'examen des affaires nos 3 et 4.

On peut noter, en faveur de cette solution :

Si, malgré tout, vous ne souhaitez pas, non plus, franchir cette étape, une autre possibilité s'offrirait encore à vous : vous pourriez, dans l'affaire n° 4, poser le principe que l'atteinte à la liberté du travail, sans contrepartie financière, justifie une indemnisation qu'il appartient au juge du fond d'évaluer.

* * * 

Au bénéfice de ces observations, nous concluons donc, en définitive :

1. A. Mazeaud, Droit du travail, Montchrestien, 2e édition, p. 251.

2. Cf. Rép. Min. J.O Ass.nat., 25 mars 1985, p. 1326.

3. J. Pélissier, Revue de droit.social 1990, p. 21 ; Y. Serra, Encycl. Dalloz v° Concurrence ; Pélissier, Supiot, Lyon-Caen, Droit du travail, précis Dalloz.

4. Encyclopédie Dalloz, v° Liberté du travail, rubrique reprise ensuite par Jean Savatier.

5. Le contrôle de l'application de la Charte est organisé dans des conditions comparables àcelles de l'O.I.T. (rapports des Gouvernements, commissions d'experts, système de réclamationscollectives ouvert aux syndicats de salariés et organisations d'employeurs représentatives).

6. Cf. également "Le respect d'un délai raisonnable : une exigence renforcée par la Cour européenne des droits de l'homme dans les litiges du travail", note J.P. Marguénaud etJ. Mouly, sous CEDH 14 novembre 2000, Delgado c. France, D. 2001, p. 2787.

7. Cf., cependant, sa décision du 28 mai 1983, AJDA 1983, p. 619, note Le Bris ; voir aussi

C. Radé,Rev. dr. soc. 2000, p. 646. Th. Revet, Le droit du travail dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, éd.Economica 1999, 62 ; B. Mathieu et J.Y. Frouin, Le juge social et la Constitution in "Soixantième anniversaire de la chambre sociale de la Cour de cassation 1938-1998, document fr. 2000, p. 137 ; V. Bernaud, "Les droits constitutionnels des travailleurs", thèse dactylographiée Aix, 322 et s. ; J. Savatier, Rev. dr. soc. 1998, p. 194 ; G. Lyon-Caen, "La jurisprudence du Conseil constitutionnel intéressant le droit du travail", D. 1989, p. 289 et suivantes.

8. V. Bernaud, op. cit., p. 322 ; A. Bugada, Droit constitutionnel appliqué, aperçu sélectif de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation (année 2000), Rev. fr. du droit constitutionnel, p. 781 et s.

9. Voir la jurisprudence analysée par G. Lyon-Caen et J. Pélissier, "Les grands arrêts de droit du travail", p. 235.

10. dont vous n'exigez pas le cumul.

11. J. Amiel-Donat, note sous Cass Soc., 14 mai 1992, JCP 1992 21889.

12. Cf. N. Gavalda, "Les critères de validité des clauses de non-concurrence" Bull. V, n°309, JPC 1992 II 21889, note Amiel Donat ; D. 1992, 350, note Y. Serra.

13. Bull. V, n° 309, JCP 1992 II 21889, note Amiel Donat ; D. 1992, 350, note Y. Serra..

14. n° 3318 FS - P + F.

15. J. Mouly, Rev. dr. soc. 2000, p. 1143.

16. G. Couturier, Rev. dr. soc. 1997, p. 95.

17. Soc., 12 février 2002 (n° 611 FSP).

18. 28 avril 1994, RJS n° 607.

19. Rev. dr. soc. 1997, p. 95.

20. Cf., toutefois, les observations, plus réservées, de J. Savatier sous l'arrêt S Doutaves N. Bernard c. Heuby, du 18 décembre 1997, Rev. dr. soc. 1998, préc.

21. 18 décembre 1997, Rev. dr. soc. 1998, note Savatier, préc. ; 10 février 1998, (arrêt 705 D) ; 10 mars 1998 (1298 P) ; 7 avril 1998 (1955 P) ; 2 février 1999 (572 D) ; 22 mars 2000 (1463 D) ; 12 avril 2000 (obs. C. Radé) Rev. dr. soc. 2000, préc. ; 11 juillet 2000, Rev. dr. soc. 2000, obs. J. Mouly, préc. ; 28 février 2001 (792 D) ; 24 avril 2001 (1708 F.D).

22. Cf. A. Bugada, Rev. fr. de dr. constitutionnel, préc., p. 781 ; C. Radé, Rev. dr. soc.2000, préc. ; J. Mouly, note D. 2001, 263.

23. Sous réserve, en cas de contestation, de la vérification par le juge de l'existence d'un intérêt légitime de l'employeur : Cf. Y. Serra , Encycl. Dalloz v° Concurrence n° 42.

24. Soc. 29 juin 1999, R.J.S. 1999 n° 1253.

25. Cf, dans le même sens, Soc., 28 octobre 1997, J.C.P 1998 II 10092.

26. Cf. Y Serra, Encycl. Dalloz, préc, n° 40.

27. Cf. C. Champalaune, "le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et de la libre concurrence, cinq ans de jurisprudence de la chambre commerciale", rapport annuel de la Cour de cassation 2001, p. 84 et s ; R. Vatinet, "les principes mis en oeuvre par la jurisprudence relative aux clauses de non-concurrence en droit du travail" Rev. dr. soc. 1998, p. 534 et s.

28. Cf. R. Vatinet, proc., p. 537.

29. Ibid. p. 538.

30. Rev. dr. soc. 1998, p. 545.

31. Y. Serra, Encycl Dalloz, préc., n° 40 et s.

32. Soc., 9 octobre 1985, D 1986.420, note Serra ; 11 oct 1990, Bull V, n° 459 ; 24 mars 1999, n° 9740422 ; 17 mars 1999, n° 95 42977.

33. Cf cependant l'article 74 du Code de commerce, applicable en Alsace-Moselle qui subordonne la validité de la clause de non-concurrence souscrite par un employé de commerce au versement d'une indemnité compensatrice par l'employeur.

34. CA Aix en Provence, 23 janvier 2001, J.S.L 13 sep. 2001, n° 86-2 note H.C Haller ; A. Chirez

35. Y. Serra, Enc. Dalloz, préc. nos 539 et s ; J. Pelissier, Rev. dr. soc. 1990, p. 21 ; J. Pelissier, A.Supiot et A. Jeammaud, Droit du travail, 2è édition, précis Dalloz 2000, n° 259 ; D. Corrignan-Garsin, "la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence",R.J.S 1992, p 587 et s ; D. Boulmier, note Dalloz 2001.

36. Y. Serra, note sous Soc., 9 octobre 1985, préc., p. 421.

37. G. Camerlynck, Droit du travail, cité par Y. Serra.

38. Y. Serra, note sous 9 octobre 1985, préc., p. 421.

39. Rép. min 25 mars 1985, préc

40. Rép. min. n° 27524, J.O. AN. Q. 3 juillet 1990, p. 3553 ; D. Vincent, Clause de non-concurrence, J.C.P. Travail, Fasc. 18-25, n° 53.

41. Rép. min. J.O. Ass. Nat. 3 septembre 2001, p. 5058.

42. Cf. J.P. Marguénaud et J. Mouly, précités.

43. n° 597 D, pourvoi U 97-40.356