MALADIE et LICENCIEMENT

 

   
1. LES TEXTES  
a. LA CONVENTION INTERNATIONALE  
La convention internationale de travail n°158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur a été adoptée en 1982 par la conférence générale de l'OIT et ratifiée par la France puis publiée au journal officiel du 15/02/90.
article 6
 

i) L'absence temporaire du travail en raison d'une maladie ou d'un accident ne devra pas constituer une raison valable de licenciement.

ii) La définition de ce qui constitue l'absence temporaire du travail, la mesure dans laquelle un certificat médical sera requis et les limitations possibles dans l'application du paragraphe 1 du présent article seront déterminées conformément aux méthodes d'application mentionnées à l'article 1er de la présente convention.

 
b. LA LOI  

L'article L.122-45 du code du travail dispose que : " ...aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié... en raison de son état ou de son handicap (sauf inaptitude constatée par le médecin du travail)... ...tout acte contraire est nul de plein droit. "

La Loi du 12 juillet 1990 a pour conséquence que les licenciements prononcés du seul fait de la maladie sont annulés (CASS Soc. 10/04/91) et ouvrent donc la voie de la réintégration dans l'entreprise, quelle que soit sa taille, quelle que soit l'ancienneté antérieure de l'intéressé.

 
2. LA JURISPRUDENCE ANTERIEURE  
Les circonstances de la suspension du contrat de travail telles que :
les absences répétées,
la qualification particulière du salarié et donc les difficultés à le remplacer,
et la taille réduite de l'entreprise peuvent entraîner une désorganisation et donc justifier un licenciement.
 
3. L'ACTUELLE TENTATIVE DE DERIVE  

S'il paraissait généralement admis, au vu notamment des travaux préparatoires de la loi 92-1446 du 31/12/92, que le principe posé à l'article L.122-45 du Code du travail ne remettait pas en cause la jurisprudence antérieure selon laquelle :
" le licenciement d'un salarié malade pouvait légitimement se fonder sur les perturbations que son absence apportait au bon fonctionnement de l'entreprise ",
plusieurs jugements et arrêts de Cours d'appel avaient estimé qu'un tel licenciement tombait désormais sous le coup de la prohibition résultant de l'article L.122-45 et avaient ordonné la réintégration du salarié.

C'est dans ce contexte que la convention internationale n°158 a servi d'argumentation pour déclarer " dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement motivé par la nécessité de remplacer le salarié absent " ;

à l'occasion d'une cascade de procédures introduites devant plusieurs Conseils de Prud'hommes, certaines condamnations ont été prononcées à partir de motivations assez particulières :

 

a . rappel du motif de l'employeur : " nécessité de vous remplacer définitivement en raison des problèmes d'organisation liés à votre absence prolongée... "

b. citation du raisonnement de certains conseillers :
" c'est bien la maladie et donc l'état de santé qui était la cause de l'absence prolongée
par contrecoup la maladie est donc la cause du licenciement
or l'article L.122-45 prévoit etc.
les dispositions de cet article sont suffisamment claires (sic) pour qu'elles ne puissent pas être interprétées de manière restrictive
il serait en effet abusif de prétendre que cet article ne protégerait les salariés qu'au regard de leur état de santé, mais pas des absences liées à cet état de santé
au contraire, en se référant à l'état de santé, ce texte en couvre obligatoirement les conséquences et, dans le cas contraire, les dispositions de cet article seraient inopérantes et n'auraient aucune raison d'être si elles ne couvraient pas les conséquences de la maladie
dans ces conditions, en confrontant le motif du licenciement : à savoir l'absence liée à l'état de santé, aux dispositions de l'article L.122-45 du CT conjuguées avec celles de l'article 6 de la convention n°158 de l'OIT, il ressort que ce licenciement est nul de plein droit
".

 
4. LE RETOUR AU TEXTE CONVENTIONNEL  
article 10 : " Si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention (pour la France ceci vise les Conseils de Prud'hommes) arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié..." ;  
ce passage implique déjà que le licenciement peut ne pas être " injustifié "!  
C'est logique puisque l'article 9 précise, juste avant, que les juges pourront " décider si le licenciement était justifié " et " formuler leur conviction quant aux motifs du licenciement : au vu des éléments de preuve fournis par les parties et selon des procédures conformes à la législation et à la pratique nationales (pour la France on en revient à l'article L.122-14-3 du CT). "  
Dès lors, il transparaît que certaines décisions hasardeuses ont été vraisemblablement obtenues en confondant, pendant le délibéré, l'état pathologique et ses conséquences ;  
or, quelle que soit l'habileté de certains discours, il reste qu'un licenciement peut toujours être prononcé à partir d'un effet, c'est-à-dire s'il apparaît objectivement une situation perturbant le fonctionnement de l'Entreprise et c'est justement la prise de position de la Cour de Cassation qui clôt ainsi le débat :
NON, l'article L. 122-45 du Code du travail "ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent le fonctionnement."
 
La Cour ajoute que l'employeur, dans ce cas, n'a pas à demander l'avis du médecin du travail sur l'inaptitude du salarié (Cass. soc. 16/07/98 Sté La Parisienne assurances c/Darcy et autres n° 4188 P) :
dans cette affaire, un salarié s'était trouvé à plusieurs reprises en maladie et avait été licencié le 26 septembre 1995 au motif que son absence ininterrompue, depuis le 5 août 1994, perturbait le fonctionnement de l'entreprise et imposait son remplacement définitif.
ce salarié a obtenu du juge des référés qu'il prononce la nullité de son licenciement et ordonne sa réintégration sous astreinte.
la Cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance, estimant que l'employeur aurait dû, avant de prendre sa décision, demander l'avis du médecin du travail conformément à l'article L.122-45 du Code du travail.
cette procédure était inutile, estime la Cour de cassation, puisqu'il était constaté que la lettre de licenciement n'était pas motivée par l'état de santé du salarié, mais par la nécessité de pourvoir à son remplacement en raison des perturbations que l'absence apportait au bon fonctionnement de l'entreprise &et qu'aucune discrimination à raison de l'état de santé n'était, par ailleurs, relevée.
dans ces conditions, il appartenait au juge de vérifier la réalité et le sérieux du motif invoqué par l'employeur
 
OUI, nous dit la Cour de cassation : les absences répétées du salarié constituent pour l'employeur une cause réelle et sérieuse de licenciement, dès lors que ces absences affectent la bonne marche de l'entreprise et ne permettent pas à l'employeur de compter sur une collaboration régulière (Cass. Soc. 3/10/80 ; Cass. Soc. 9/03/89) ;  
OUI, nous dit la Cour de cassation : les juges, dans leur appréciation, doivent tenir compte non seulement du nombre et de la fréquence des arrêts de travail, mais aussi de la nature de l'emploi occupé et de la taille de l'entreprise ;  
OUI, nous dit la Cour de cassation : une absence pour maladie de six semaines faisant suite à 62 jours d'arrêt pour le même motif a entravé le fonctionnement de l'entreprise et justifié la rupture (Cass. Soc. 6/03/86) ;  
OUI, de même, lorsque la maladie du salarié se prolonge, l'employeur est admis à mettre un terme au contrat de travail devant la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié malade ;  
OUI, nous dit la Cour de cassation : dans le cas d'absences répétées, ce genre de situation perturbe gravement le fonctionnement de l'entreprise, selon :
· la durée de l'arrêt de travail (Cass. Soc. 3/06/82 : six mois d'arrêt ; Cass. Soc. 10/11/87 Mathieu c/Chambelland : après 5 mois d'absence, nouvelle prolongation de 5 mois),
· les responsabilités et la qualification professionnelle de l'intéressé qui peuvent rendre difficile son remplacement provisoire,
· la taille de l'entreprise (Cass. Soc. 24/04/90 Chauvin-Haccoun c/Sté Sécurité du Marais et 9/05/90 Sté Carnaud Industrie c/Picquet).
 
Il convient donc utilement d'en revenir au principe essentiel :
l'existence d'une cause réelle et sérieuse résulte d'une qualification des faits et non d'une pseudo analyse littérale, dont le seul objet vise à contourner le cadre juridique de la discussion
bien entendu, on ne saurait prétendre que la cause serait systématiquement avérée, surtout lorsque l'employeur finit par s'abstenir d'exposer l'éventuelle matérialité des faits susceptibles de corroborer une affirmation alors simplement péremptoire & là, le licenciement peut certes se révéler sans cause MAIS, même en ce cas, PAS de nul effet ! donc pas de réintégration.