LA TRANSACTION

 

   

Aux termes de l'art. 2044, c. civ., " la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître " ; elle permet donc de régler de manière définitive les conséquences : de l'exécution antérieure ou de la rupture d'un contrat de travail, par des concessions de chacune des parties.

 

 

Validité subordonnée aux conditions de droit commun des contrats

La transaction doit être conclue par des parties ayant le pouvoir de transiger, dont le consentement est exempt de tous vices, et elle doit avoir un objet ou une cause licite.


La transaction a l'autorité de chose jugée en dernier ressort et ne peut être attaquée ni pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion ; elle peut cependant être annulée lorsqu'il y a erreur sur la personne ou sur l'objet de la contestation et dans tous les cas où il y a dol ou violence (C. civ., art. 2053) :

 

           l'erreur sur la personne peut se rencontrer lorsque l'identité véritable de l'employeur est difficile à déterminer, compte tenu de mutations successives du salarié au sein d'un groupe de sociétés ou de la mise à disposition d'un salarié auprès d'une autre entreprise

 

           l'erreur sur l'objet peut porter sur la nature et l'étendue du litige que la transaction a pour but de résoudre, mais pas sur l'amplitude des accommodements auxquels les parties se sont résolues. Ainsi, peut être annulée pour erreur sur l'objet : la transaction conclue sur la croyance commune que seule l'indemnité légale de licenciement pouvait être réclamée par le salarié, alors que la rupture du contrat pour cause médicale d'inaptitude ouvrait droit au bénéfice d'une indemnité conventionnelle (Cass. Soc. 28/11/98 n° 95-43.523).

 

 

Le dol peut résulter de manœuvres destinées à tromper l'autre partie et sans lesquelles celle-ci n'aurait pas contracté ; il en est ainsi du fait, pour un employeur, de fournir des informations erronées sur le caractère non imposable de la majoration de l'indemnité conventionnelle de licenciement (Cass. Soc. 7/06/95 n° 91-44.294). Quant à la violence, elle doit être suffisamment grave pour avoir contraint au consentement ; elle a été reconnue en faveur d'une hôtesse d'accueil, sortit manifestement traumatisée d'un entretien, qui avait conclu une transaction 3 jours après sous l'effet d'une contrainte morale (Cass. Soc. 28/10/97 n° 94-44.916).

 

 
Conditions spécifiques à la transaction
     Trois éléments sont nécessaires :
 

     l) une situation litigieuse, opposant des prétentions différentes quant à l'existence, à l'étendue, aux modalités ou à la mise en œuvre des droits des parties

 

     ll) l'intention des parties d'y mettre fin,

 

     lll) des concessions réciproques sur tous droits, actions et prétentions soumis à la seule liberté contractuelle, mais dans la limite des règles d'ordre public ; l'équilibre des concessions n'est pas une condition de validité de la transaction, toutefois celles-ci ne peuvent pas être dérisoires ou symboliques mais " appréciables ". N'est pas valable la transaction octroyant au salarié une somme de 15 000 F, alors que l'indemnité à laquelle il pouvait prétendre était de 12 500 F (Cass. Soc. 19/02/97 n° 95-41.207) ou la transaction par laquelle l'employeur s'engage au paiement d'une indemnité de 6 000 F à titre de solde des comptes résultant du contrat de travail et de sa rupture, le salarié s'engageant en contrepartie à ne pas concurrencer la société sur un secteur géographique déterminé pendant deux ans (Cass. Soc. 18/05/99 n° 96-44.628).

 

 

Pour vérifier, la Cour de cassation se base sur le motif du licenciement, qui délimite l'étendue du litige ; dès lors, les concessions patronales ne peuvent exister que si les motifs énoncés dans la lettre permettaient un licenciement. En effet, l'absence de motivation interdit à l'employeur de se fonder sur une cause réelle et sérieuse en conséquence il ne peut consentir aucune concession en allouant une part de dommages intérêts au salarié puisque, la rupture étant illégitime, le salarié a indiscutablement droit à l'intégralité de la réparation du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail (Cass. Soc. 27/02/96 n° 92-44.997). De même, si la motivation n'invoque que des faits bénins, il est impossible de considérer qu'une concession a été consentie par le paiement de tout ou partie de l'indemnité de licenciement, malgré la faute (dite) grave commise par le salarié, puisque les seuls faits alors retenus dans la lettre de licenciement excluaient en eux-mêmes le caractère de gravité et donnaient ainsi droit à l'indemnité de préavis, etc. (Cass. Soc. 6/04/99 n° 96-43.467).

 

 

La validité de la transaction se trouve enfin subordonnée à une condition chronologique AVÉRÉE : elle doit être postérieure au licenciement, d'une part parce qu'elle est réputée faire cesser un litige né et, d'autre part, parce que l'interlocuteur de l'employeur ne doit pas être en état de subordination : donc ne doit plus être son salarié. Il existe bien ici une distinction entre départ négocié (aussi appelée "résiliation conventionnelle" du contrat de travail) et la transaction qui ne peut donc valoir, en elle-même, accord de rupture.

 

 

Croyant trouver une parade à ce formalisme, certains ont utilisé la technique de la feuille blanche expédiée par lettre recommandée :

 

           si les pourparlers de transaction échouent, il est encore temps de rédiger une lettre de licenciement

 

           si les pourparlers réussissent, l'accusé de réception sert à faire croire que le licenciement avait été antérieurement prononcé ;

 

le but étant d'échapper à une demande de rescision de la transaction.

 

Or un salarié a pu faire la preuve qu'il n'avait jamais pu être en présence de l'employeur à la date "reconstituée" de la transaction par rapport à celle du licenciement (antidaté), un autre salarié est allé chercher son courrier avec un huissier… ces transactions ont été déclarées NULLES !